Jeudi soir, l’auteure de Vernon Subutex a dépassé son aversion pour les discours et a raconté son lien avec les bibliothèques municipales à l’occasion de la remise du prix BNF 2019. Le dîner des mécènes devrait permettre l’acquisition de nouvelles œuvres, dont une collection de la revue Dada.
En général, tout est chic au traditionnel dîner annuel des mécènes de la BNF: les femmes, les hommes, le décor. Et les œuvres, que les conservateurs cultivés de la maison ambitionnent d’acquérir grâce à l’argent du dîner, sont toujours d’exception. Dans le faste élégant de la salle Labrouste, à Paris, jeudi soir, le discours drôle de l’ouragan Virginie Despentes fit donc sensation.
Récipiendaire du prix 2019 de la BNF, l’auteure de Baise moi et de Vernon Subutex traîne une réputation «sulfureuse», comme l’a rappelé avec une pointe de gourmandise Jean-Claude Meyer, président du cercle de la BNF. Sans doute pour s’y montrer à la hauteur, Virginie Despentes démarra son discours en affirmant qu’elle n’en avait jamais écrit, par pure détestation. «Je me suis toujours défilée, et pourtant j’ai su que j’allais le faire, ce soir» admit-elle. C’est sa longue et féconde relation aux bibliothèques municipales lui permit de se coller à l’exercice.
Aucun des 250 convives de jeudi soir, dont le ministre de la Culture Franck Riester, n’aurait pu l’imaginer: Virginie Despentes a vécu un périple initiatique dans les bibliothèques, à commencer par celle de Jarville-la-Malgrange, lorsqu’elle était enfant. De Nancy, à Paris, en passant par Lyon, elle y a toujours trouvé, outre des bouquins, des bibliothécaires empressés et discrets. À l’ombre des rayonnages, personne ne demandait jamais des comptes à la jeune punk qu’elle était. «La bibliothèque de Paris XIII fut un refuge, là où je me suis sentie le plus en sécurité. Parce qu’elles n’ont aucuns rayons interdits aux pauvres, les bibliothèques sont le dernier endroit où l’idée de service public a un sens et est défendue», ajouta-t-elle, à la grande joie de l’auditoire. Sa conclusion claqua comme une réplique de Vernon Subutex. «Putain de prix! Putain de BNF et putain de premier discours!».
Le prix BNF est doté de 10.000 euros. Il est organisé par le cercle des amis, soutien inconditionnel de la «BN». Le dîner de jeudi soir doit notamment permettre l’achat d’une collection de Dada, la revue d’avant-garde créée en 1917. En guise de teasing pour les mécènes, plusieurs numéros provenant d’une collection privée avaient été déployés dans une vitrine. «Le goût est fatigant comme la bonne compagnie», y cinglait Picabia, à l’unisson avec Virginie Despentes. La lecture du manifeste Dada, texte délirant, donnait envie de participer à cet achat pour les collections publiques: «Liberté= DADA DADA DADA, hurlement des couleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques, les inconséquences: LA VIE» . Putain de revue!