Avant de filer en calèche, Stéphane Bern est venu chercher ses effets, à la consigne. Il a la mine béate des convives repus après une belle orgie. Quand, tout à coup, son visage se charge de gravité : « Ça, c’est du lourd ! », s’écrie le journaliste royaliste, comme s’il assistait à l’adoubement simultané d’un Tudor et d’un Plantagenêt. Devant ses yeux écarquillés, deux écrivains se serrent la pince, Jean Echenoz et Michel Houellebecq. Leur confraternité semble d’autant moins feinte que les témoins de la poignée se comptent sur les doigts d’une main : l’essentiel des invités se goberge encore, dans la salle ovale de la bibliothèque Richelieu, d’un trio de desserts glacials – « givré de cerises, croustillant vanille et sorbet griottes », indique froidement le menu.
Il pleuviote sur Paris, en ce lundi de fin juin, et personne ne se sent de regagner ses pénates à pied. « Je suis nul, s’autoflagelle l’auteur de Soumission. Je ne suis pas même capable d’appeler un taxi. » Son ami Jean-Claude Meyer, téléphone à l’oreille, remplit discrètement l’office. « Cet homme est fondamentalement bon, et je suis fondamentalement mauvais », module Houellebecq, en parlant du vice-chairman de Rothschild Europe.
Depuis 2009, la bonté du banquier est entérinée lors d’un banquet printanier, durant lequel il remet, en amphitryon trois étoiles, le Prix de la Bibliothèque nationale de France à un écrivain destanding. La majorité des mangeurs sont des mécènes, leur présence au gala contribuant à l’enrichissement des collections de la BNF, selon la formule « pactole contre nourriture », en vogue chez les Anglo-Saxons.